Illustration du parasite Plasmodium falciparum.Crédit : THOM LEACH/ SPL /GETTY IMAGES

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En mars 2022, le programme national éthiopien d'élimination du paludisme a convoqué une réunion d'urgence au sujet d'une épidémie de paludisme à Dire Dawa, la deuxième ville du pays, qui compte environ 465 000 habitants.

Au cours des cinq premiers mois de l'année 2022, le nombre de cas de paludisme a atteint 2 425, soit 12 fois plus qu'en 2019.

Une équipe éthiopienne, avec des collègues internationaux, a découvert que la cause de l'épidémie était l'afflux d'une espèce de moustique résistante aux insecticides, Anopheles stephensi, qui n'existait pas dans la région avant 2018. Ce moustique est porteur du parasite responsable du paludisme, Plasmodium falciparum, qui a été la cause prédominante des cas de paludisme entre 2019 et 2022.

Fitsum Tadesse, un biologiste moléculaire qui dirigeait un projet sur le paludisme urbain à l'Armauer Hansen Research Institute, dans d'autres villes d'Éthiopie, s'est empressé d'inclure Dire Dawa comme site d'étude dès que l'épidémie s'est déclarée.

"J'ai déployé mon équipe d'entomologistes, de techniciens de laboratoire, de phlébotomistes, d'agents de santé communautaires, de dirigeants locaux formels et informels et de prestataires de services de santé", explique M. Tadesse à Nature Africa.

Saper les efforts

En trois mois environ, l'équipe a achevé la collecte des données et s'est lancée dans les travaux de laboratoire et l'analyse des données pendant deux mois supplémentaires. Dans leur étude, publiée dans Nature Medicine, Tadesse et ses collègues confirment que le moustique, répandu en Asie du Sud, favorise la propagation du paludisme résistant aux médicaments et au diagnostic en Afrique, sapant ainsi les efforts déployés pour lutter contre la maladie..

Des expériences génétiques récentes publiées dans Science Advances suggèrent qu'une mutation spécifique du Plasmodium falciparum entraîne une forte résistance à plusieurs médicaments antipaludiques de première intention, notamment la pipéraquine (PPQ) et l'artémisinine.

L'étude de Science Advances a également révélé qu'une variante génétique responsable de la résistance à la PPQ pouvait accroître la sensibilité à un autre médicament antipaludique, la luméfantrine, et que la combinaison des deux médicaments pouvait aider à contrer cette résistance. "Ces [croisements génétiques] seront essentiels pour identifier la base génétique de la résistance de P. falciparum aux thérapies combinées de première ligne, ce qui semble imminent en Afrique", affirment les chercheurs dans leur rapport.

La nécessité d'une action collective

Les chercheurs à l'origine de l'étude de Nature Medicine qualifient leurs résultats de "preuves les plus solides à ce jour du rôle d'Anopheles stephensi dans l'apparition d'une épidémie de paludisme en milieu urbain en Afrique, soulignant la menace majeure que ce moustique à propagation rapide représente pour la santé publique".

M. Tadesse explique que ces récentes découvertes laissent entrevoir de nouveaux défis dans la lutte contre le paludisme, qui ne se propageait généralement pas dans les zones urbaines et pour lequel les programmes de lutte étaient principalement axés sur les zones rurales.

"Les programmes de lutte contre le paludisme étaient donc principalement axés sur les zones rurales. Avec l'expansion rapide d'une urbanisation mal planifiée, la propagation d'Anopheles stephensi mettra en danger de nombreux citadins", ajoute-t-il.