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Motivation des ECR africains à partir, en fonction du continent où ils sont actuellement basés.Crédit: GloSYS/Global Young Academy

(Article rédigé avec l'équipe de GloSYS Africa et la Global Young Academy)

Les jeunes scientifiques sont cruciaux pour l'avancement de l'Afrique ; une nécessité pour le développement économique du continent. Pourtant, ils se heurtent à des obstacles persistants qui les poussent à quitter leur pays ou à abandonner une carrière de chercheur.

Consciente de la rareté des recherches consacrées aux jeunes scientifiques et du manque de connaissances sur les stratégies permettant de les soutenir au mieux, la Global Young Academy (GYA) s'est attachée à évaluer les défis auxquels sont confrontés les jeunes chercheurs du monde entier. Son projet stratégique sur l'état global des jeunes scientifiques (GloSYS) vise à initier le changement et à catalyser l'amélioration du système scientifique mondial en identifiant les défis interconnectés auxquels les chercheurs en début de carrière (ECR) sont confrontés tout au long de leur vie universitaire, professionnelle et familiale. En appliquant le même modèle d’étude, qui mixte les méthodes, en utilisant une structure d'enquête de base augmentée de questions spécifiques à la région, et développée en collaboration avec des chercheurs locaux, les études régionales GloSYS collectent des données intégrables permettant des comparaisons intra et interrégionales et des changements dans le temps.1,2,3 Les enquêtes et les entretiens en ligne, et les médias sociaux permettent un accès sans précédent à des voix qui étaient difficiles à atteindre par les questionnaires traditionnels sur papier et en personne.

Suivi de la situation mondiale des jeunes scientifiques

Les données existantes sur les défis auxquels est confronté le système de recherche africain mettent en évidence des facteurs structurels majeurs : des taux d'inscription faibles mais en croissance rapide, un sous-financement et des inefficacités flagrantes, une faible production de recherche et une fuite des cerveaux, ainsi qu'une insuffisante garantie de qualité.3-5 Afin de trouver des solutions innovantes pour relever ces défis structurels, l'étude GloSYS Africa a mis l'accent sur l'identification des facteurs contextuels influençant les carrières individuelles des ECR africains, en accordant une attention particulière aux parcours de formation à la recherche, aux politiques d'équité, aux obstacles à la mobilité, ainsi qu'aux perceptions et aux attitudes à l'égard de la poursuite d'une carrière dans la recherche.

L'une des caractéristiques uniques de GloSYS Africa était la collecte de données permettant de suivre les déplacements internationaux des répondants pendant une période de plus de trois mois. L'analyse des 1 157 réponses admissibles à l'enquête a révélé une très grande mobilité de la cohorte: 64,5 % des personnes interrogées avaient changé de pays au moins une fois dans leur vie et 29,1 % d'entre elles avaient vécu, travaillé ou étudié dans deux ou plusieurs pays autres que celui de leur naissance au cours de la dernière décennie. Parmi les répondants nés en Afrique, 8,5 % vivaient actuellement dans l'un des 32 pays hors d'Afrique.

Parmi les répondants, 603 étaient titulaires d'un doctorat (46 % de femmes) et 554 d'une maîtrise (50 % de femmes ; 69 % sont titulaires d'un doctorat), avec un âge médian de 36 ans, indépendamment du sexe. Alors que 70,6 % des répondants ont obtenu leur master dans leur pays de naissance, seulement 53,9 % ont obtenu leur doctorat dans leur pays et 30 % ont obtenu leur doctorat hors d'Afrique. Un quart de tous les répondants n'étaient pas citoyens du pays où ils étaient actuellement basés, l'Afrique du Sud ayant le plus grand contingent d'ECR étrangers en Afrique.

La cohorte d'ECR africains interrogés est un groupe très motivé, animé par le désir de créer de nouvelles connaissances au profit de leurs communautés, mais divers obstacles structurels les empêchent de concrétiser leur vision. La plupart de ces obstacles sont liés à l'accès au financement et à l'aide à l'obtention de celui-ci. Il en résulte des infrastructures et des ressources limitées pour permettre l'excellence de la recherche, des charges d'enseignement élevées et des structures de soutien inefficaces. Les ECR africains souhaitaient consacrer plus de temps aux tâches liées à la recherche et moins de temps à l'administration et à l'enseignement. Le fait de se déplacer à l'étranger, même pour de courts séjours, est perçu comme une occasion d'accroître les résultats de la recherche grâce à un meilleur accès aux équipements et à de nouvelles collaborations, mais aussi de se décharger temporairement des tâches d'enseignement pour se concentrer sur la recherche.

Cette perception a été confirmée par les données quantitatives. La faible production de la recherche est corrélée au manque de financement reçu au cours des trois dernières années, au manque de soutien pour identifier et demander des financements, au manque d'opportunités de formation pour développer les compétences professionnelles et à l'insécurité de l'emploi. À l'inverse, le fait d'avoir déménagé à l'étranger au cours de la dernière décennie est corrélé à une augmentation des financements et du nombre de publications au cours des trois années précédentes. La circularité du défi est évidente : il est nécessaire d'avoir un financement et un soutien pour être mobile, ce qui perpétue en retour le financement futur et l'augmentation du nombre de publications.

Dans l'ensemble, ces défis semblent avoir entraîné une baisse de la confiance dans la poursuite d'une carrière de chercheur, qui est passée de 42 % à la fin des études à 34 % au moment de l'enquête.

L'expérience d'une inégalité liée au sexe, à la race et aux pratiques d'embauche est également associée à une diminution de la satisfaction professionnelle et des résultats de recherche. Les pratiques d'embauche inéquitables (59,4 %), la discrimination raciale (51,8 %) et les restrictions à la mobilité géographique (51,7 %) sont les formes d'inégalité les plus courantes dont on a fait l'expérience et qui sont perçues comme des obstacles à la réussite professionnelle.

Bien que plus d'hommes que de femmes aient déclaré avoir des enfants (62,4 % contre 47 %), plus d'hommes que de femmes ont déclaré avoir vécu, travaillé ou étudié à l'étranger au cours des dix dernières années (68,8 % contre 54,6 %). Étant donné l'importance de la mobilité dans l'augmentation des publications et des financements, l'amélioration de l'accessibilité des femmes à la mobilité, par le biais de mécanismes tels que l'octroi de subventions pour la garde d'enfants et de congés parentaux dans le cadre de programmes de financement et de prestations d'emploi, pourrait accroître l'équité des opportunités.

La baisse de confiance des ECR africains dans leur carrière se traduit par un fort désir de quitter leur région, que ce soit de manière permanente (13 %), temporaire (29,9 %) ou en envisageant de le faire ultérieurement (36,8 %). Sur les 834 personnes interrogées ayant l'intention de déménager, 18,9% avaient l'intention de le faire à l'intérieur de l'Afrique, tandis que 81,1% envisageaient de quitter l'Afrique. De manière surprenante, l'Amérique du Nord est la destination préférée, bien que peu de répondants y aient déjà voyagé. La motivation la plus fréquente des personnes vivant en Afrique pour déménager était la recherche (34,7%) et le développement de carrière (28,4%) (Figure 1).

Il est important de souligner que, malgré de grandes similitudes dans les défis rencontrés par les EPE africains, il existe également des différences régionales en ce qui concerne le soutien financier reçu, l'accès aux infrastructures, le chômage, les inégalités raciales et les problèmes de santé mentale. Il est donc important que les recommandations de changement élaborées tiennent compte de la diversité et du contexte des défis rencontrés en Afrique.

Plus de détails sur les projets GloSYS sont disponibles sur: https://glosys.globalyoungacademy.net/